Existe-t-il un facteur qui puisse expliquer l'évolution de la forme sonate telle qu'on la constate dans l'oeuvre instrumental de Franz Schubert, évolution qui rend cet oeuvre irréductible à celui des compositeurs antérieurs? La réponse de l'auteur à cette interrogation constitue en même temps une tentative plus globale d'interprétation de l'évolution des formes musicales au XIXe siècle, remettant ainsi au coeur de l'étude de celles-ci le paramètre de leur devenir historique, à rebours des exégèses qui envisagent ces formes comme des objets figés, immuables. A travers l'analyse exhaustive des oeuvres écrites par Schubert en forme sonate, l'émergence progressive des relations harmoniques de tierces et leur substitution graduelle au rapport structurel classique de quinte apparaît avec évidence, se répercutant sur les autres dimensions formelles et altérant en profondeur la logique et la signification mêmes du discours.
"L'auteur, après avoir pris la mesure du phénomène, en dégage rigoureusement les conséquences, notamment en ce qui concerne la notion de fonctionnalité tonale et l'inflation du chromatisme. Cette véritable secousse sismique, d'apparence modeste, fera vaciller, de proche en proche, l'équilibre thématique... Par sa perfection démonstrative, mais aussi par la puissance de sa fougue secrète, l'argumentation marque point après point, et une conception audacieuse de la déontologie, non seulement musicologique, mais esthétique en général, se fait jour. Magnifier Schubert, ce n'est pas, ce ne peut plus être s'attendrir." (Daniel Charles, Université de Nice-Sophia Antipolis)